Lorsqu’on parle de l’âge d’or du jeu d’horreur, beaucoup n’hésitent pas à parler de l’époque des premiers Resident Evil et Silent Hill. Des frissons ressentis en jouant à Alone in the Dark : The New Nightmare. Ou du sentiment d’effroi véhiculé par les phases de cache-cache de Haunting Ground. Il faut dire que les années 90 et 2000 ont vu naître pléthore de licences horrifiques cultes. Si cultes qu’elles ont instauré les codes d’un genre nouveau. Parmi elles, on retrouve Forbidden Siren. Une franchise qui a démarré en 2003 au Japon et 2004 en Europe. Si j’en parle aujourd’hui, c’est parce qu’à mes yeux, Siren est probablement la série de survival horror m’ayant le plus marqué. Et je me suis longtemps demandé pourquoi. Qu’est-ce qui m’a autant secoué au cours de mes escapades à travers le monde créé par l’équipe de Project Siren ?

Ce nouveau papier n’a donc pas seulement pour but de rendre hommage à une série de jeux qui est chère à mon cœur. Je souhaite mettre en avant le caractère unique de Forbidden Siren, qui se traduit par de nombreux aspects. Je vais me concentrer sur deux points en particulier. Au passage, je vais en profiter pour aborder le sujet de sa disparition et de son potentiel retour parmi nous. Effectivement, à l’instar de Clock Tower ou Project Zero, Siren est – actuellement – morte et enterrée. Cette phrase peut porter à confusion, car ces deux licences sont toujours en vie. Mais en vérité, elles ne le sont qu’à travers des remasters / remakes ou des portages. Sans nouvel opus à l’horizon, elles risquent de retourner dans l’outre-tombe d’ici peu de temps. Eh bien personnellement, je considère que ce n’est pas un mal. Je pense même que dans le cas de Forbidden Siren, elle devrait rester à jamais un souvenir d’une ère révolue ô combien merveilleuse pour les fans d’épouvante.

Un maître de l’horreur aux commandes

Avant d’attaquer le plat de résistance, jetons un bref regard sur le moment de la création de la licence. Forbidden Siren a été conçu par une branche de Japan Studio. Mais la tête pensante derrière ce projet, l’homme qui tirait les ficelles, c’était Keiichiro Toyama. Et là, on ne rigole plus, puisque nous devons à ce développeur japonais les franchises Silent Hill et Gravity Rush. Excusez du peu. C’est d’ailleurs après avoir terminé Silent Hill 1 que Toyama a rejoint Project Siren au sein de Japan Studio. Son départ tumultueux de Konami, la pression qu’il a subie et son manque d’expérience l’ont conduit à vouloir intégrer les rangs d’un nouveau studio. Son projet secret : la mise en chantier d’un jeu d’horreur flambant neuf dont il allait être le maître d’œuvre. Son équipe est alors constituée d’anciens membres de Team Silent, les créateurs de, attention c’est subtil, Silent Hill.

J’ai rejoint SCE (l’ancien nom de Sony Interactive Entertainment) pour travailler en tant qu’artiste dans un genre totalement différent. C’est là que j’ai acquis l’expérience dont j’avais besoin et que j’ai eu la chance d’apprendre à diriger une équipe de façon naturelle.

Keiichiro Toyama

Ce beau parcours l’a donc amené à devenir le réalisateur de ce fameux Siren (ou Forbidden Siren). L’idée était de parvenir à se démarquer des autres productions horrifiques. Une entreprise conséquente quand on voit les mastodontes qui sortaient à l’époque. Il n’était pas de question de jouer la carte de la sécurité. Au vu de l’équipe de choc accompagnant Toyama, on pouvait justement s’attendre à des merveilles. On relève, par exemple, Naoko Sato et Isao Takahashi, deux autres personnes ayant travaillé sur Silent Hill. Ici, ils allaient respectivement s’occuper de la partie scénaristique et de la direction artistique.

Dans l’ordre, Isao Takahashi, Keiichiro Toyama et Naoko Sato

Nos compères se sont attelés à créer un univers morbide qui allait avoir pour cadre la partie rurale du pays. Leurs inspirations étaient nombreuses, allant de Battle Royale aux dessins des mangakas Daijiro Morohoshi et Ryoko Yamagishi. Une autre œuvre dont l’influence a été capitale pour la confection de Siren, c’est Insumasu o ouu Kage : l’adaptation japonaise du Cauchemar d’Innsmouth de H.P. Lovecraft, diffusé en 1992. Ces belles inspirations ont servi à bâtir une esthétique dérangeante sans pareil, et un univers imperceptible, allant jusqu’à s’apparenter à un conte ou une légende macabre. Le monde entier de Siren transpire l’étrangeté, comme si une intervention divine avait bousculé nos repères et transformé le monde autour de nous.

L’apparence des personnages de l’histoire donne le la. Ils ont eu droit à un design pour le moins particulier. Le studio a enregistré les expressions faciales des acteurs et actrices sous huit angles différents. Ces dernières ont ensuite été superposées sur le visage des personnages du jeu. On obtient alors ces faciès à la fois réalistes et troublants (cf. la vidéo ci-dessous). Comme si une créature essayait d’imiter un humain, mais échouait lamentablement. C’est un rendu qui a un nom : l’effet vallée de l’étrange (ou uncanny valley). Il ajoute un sentiment de malaise peu habituel dans un jeu d’horreur, puisqu’on est dérangé par l’aspect des créatures, mais aussi par celui des protagonistes. Mais à l’inverse d’autres productions du genre plus récentes, Siren l’emploie brillamment. Et si on observe la licence dans sa globalité, on se rend compte que toutes ses caractéristiques se veulent étranges. La musique nous déstabilise, l’histoire nous déboussole, et l’esthétique nous perturbe. L’uncanny valley vient seulement se rajouter à ce cocktail de bizarrerie.

Aujourd’hui, je veux surtout me pencher sur la narration, le game design et le level design de Siren. Une fois n’est pas coutume, l’objectif du studio semble clair : il faut surprendre les joueurs. Pour ce faire, une narration originale ne suffit pas, il faut aussi une boucle de gameplay et un level design qui vont prendre de court n’importe quel vétéran de l’horreur. Ces éléments ont fait de Forbidden Siren une véritable anomalie dans le paysage du survival horror de l’époque. Encore aujourd’hui, il reste un cas unique en son genre qui continue d’être décortiqué par la communauté.

II – J’ai mal à la têteIV – Votre pire cauchemar : le level design
III – Je suis dans ta têteV – Une formule éprouvée ayant connu des évolutions
VI – Une résurrection inévitable ?

Sources :

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